lundi 10 mars 2014

L'instrumentalisation des indépendantistes

Des gens qui autrefois crachaient à la gueule de PKP lui font aujourd'hui des révérences. C'est le cas entre autres d'Alexis Deschênes, candidat péquiste dans Trois-Rivières, et de représentants du féroce SPQ-Libre. Idem pour des syndicalistes. D'autres, dont l'opinion était déjà assez grise sur PKP, applaudissent. C'est le cas de Pascal Léveillé.

Pourquoi? Parce qu'il faut « ratisser large ». Ou encore « se concentrer sur l'idée de pays », et pas sur le débat gauche-droite. Ce dernier argument est revenu assez souvent dans l'histoire de l'indépendantisme québécois. Falardeau reprochait déjà la même chose à Françoise David en disant que de « mettre des conditions à la libération des peuples », c'était pas progressiste.

Je ne sais pas ce que penserait Falardeau de l'arrivée au PQ de Péladeau. Peut-être qu'il répéterait la même chose que le reste des péquistes complètement endormi-e-s, dont plusieurs seraient capables d'approuver la nomination de klanistes, en autant que ça « serve leur idée de pays ».

Je tiens à préciser que l'idée d'un Québec indépendant ne me fait plus ni chaud ni froid. Il est assez peu probable que je vote un jour lors d'un référendum sur la question. Mais il me semble quand même que de vouloir faire l'indépendance, c'est habituellement dans un but précis: d'améliorer sa vie en se débarrassant d'un pouvoir coercitif.

Je peux comprendre le désir de ne plus appartenir à un empire historique dont l'une des composantes est dirigée par un fanatique religieux. Cela dit, je pense que beaucoup d'indépendantistes ne se sont pas posé des questions honnêtes au sujet de la gouvernance au Québec, des tendances autoritaires tirant vers le délire irrationnel de ses représentant-e-s et d'une large partie de sa population. Quelques exemples suffisent à le suggérer: le vaste appui de la population pour le rétablissement de la peine de mort (plus fort au Québec que dans le reste du Canada), et l'appui tout aussi solide à la répression policière dans les suites du G20, un appui qui avait faibli seulement quand on avait fait miroiter dans les médias que les flics s'en étaient pris-e-s de manière assez discriminatoire à des francophones.


Nous pourrions aussi parler de la basse manipulation dans laquelle une bonne partie de la population s'est laissé entraîner pendant et après la grève étudiante, une stratégie scandaleusement cynique qui participe des mêmes mécanismes que le débat sur la Charte.

J'appuie le moindre désir de liberté, même quand il ne passe pas par une revendication active, ou mieux, par une pure et simple réappropriation. Mais le problème, c'est que je ne pense pas que les péquistes et la grande majorité des nationalistes veulent plus de liberté. Tout au plus veulent-illes d'un esclavage qui leur ressemble; des maîtres de leur race.

L'accueil chaleureux de PKP dans leurs rangs ne me surprend donc pas. Falardeau déplorait, dans un de ses Elvis Gratton, que la population béate répondait à l'oppression en criant «Vive nos chaînes». Aujourd'hui ce sont les nationalistes qui prononcent ces vivats en priant une sorte de messie de «nous faire un pays».

Commentaire d'un texte de Pascal Léveillé. source: http://www.lerepublique.com/1129663/pkp-moi/
M.à.j: Réaction à ce texte sur Facebook. « fucking meta », je sais. source: https://www.facebook.com/pequistes.info


On pourrait, dans le meilleur des cas, croire à une mauvaise stratégie. Les indépendantistes se sont trouvé un allié de taille qui pourrait servir leurs intérêts. Par la suite, il sera toujours le temps de laisser tomber les indésirables! Mais encore faut-il que cet allié ne se serve pas en fait de vous pour parvenir à ses fins, avant de vous trahir. Ce qui, dans le cas de PKP comme de l'ensemble du caucus du PQ, ne serait pas vraiment étonnant.

Le Québec n'est pas en contexte référendaire. Il est en contexte de questionnement identitaire (et ce questionnement est profondément nauséabond), oui, mais il n'est pas question d'indépendance à moyen terme. Il est plutôt question d'asservir la population par la force de l'État policier, de décrédibiliser les syndicats et de mettre à sac et nos programmes sociaux et notre environnement. Il est clair que Mme Marois et PKP, en parlant soudainement d'indépendance, tentent d'instrumentaliser une partie de la base nationaliste, qui a prouvé sa servilité mentale à toute épreuve en descendant par milliers pour défendre une laïcité qui avait plus d'accents identitaires que féministes. Ce procédé de manipulation ne date pas d'hier: d'ailleurs depuis longtemps, une bonne fraction de la gauche radicale, surtout marxiste, considère que le nationalisme vise avant tout à faire croire à la population qu'il n'existe pas de classes sociales, et qu'aucun bien commun ne supplante celui de la Nation.

C'est ce qu'on essaie de nous faire croire à nouveau, c'est-à-dire qu'un individu qui a travaillé contre les intérêts de la population et qui a eu des pratiques tyranniques et antisyndicales (le mot est faible),  peut servir le bien commun, c'est-à-dire la Nation, ou le « projet de pays ». Cette assimilation est une belle illusion, et elle est d'autant plus dangereuse pour son pouvoir d'attraction qui transforme, plus souvent qu'on veut l'admettre, des gens sensés en cruels imbéciles suicidaires[1].

Les nationalistes qui appuient cette nouvelle candidature (mais tous et toutes ne le font pas) risquent cependant de déchanter. Donnez-leur quelques années à appeler PKP Monsieur le ministre et illes se rendront compte que non seulement illes ont toujours pas de pays, mais que leurs libertés se seront encore amoindries. Mais je leur souhaite d'ici là de cesser de s'enfoncer dans leur exaltation.

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[1] J'assume pleinement mon Point Godwin.

4 commentaires:

  1. Patrick Lagacé croit que l'arrivée de PKP montre plutôt que le PQ prépare quelque chose de gros au sujet de l'indépendance. Ça se tient, mais j'ai encore des doutes.

    http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/patrick-lagace/201403/10/01-4746097-la-game-vient-peut-etre-de-changer.php

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  2. Je découvre votre blogue avec ce billet. Je suis présentement actif dans un parti politique (devinez lequel), mais les enjeux que vous soulevez sont ceux qui me trottent dans la tête depuis un bout de temps. Je me demande si, dans un objectif de contribuer à un monde plus solidaire, plus libre, plus écolo, mon énergie ne pourrait pas être mieux investie. Une réflexion qui durera peut-être longtemps, mais que vous contribuez à alimenter.

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    1. Merci. Vous êtes trop gentil.

      J'ai déjà milité dans un parti politique (devinez lequel) jusqu'à il y a neuf ans, c'est ça qui m'a finalement fait revirer de bord.

      "J'ai décroché définitivement à la fin d'une conférence de Gilles Duceppe, lors de la période à micro ouvert. Juste au moment où j'avançais pour m'exprimer, le secrétaire général du comité péquiste m'avait glissé dans la main un petit papier découpé avec parcimonie. Dessus, était imprimée la question qu'il fallait que je pose."

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  3. Je suis d'accord, mais ce ne sera pas mieux avec les liberals. Nous ne sommes pas démocratie, nous sommes en élections. Et en élections, les convictions n'ont aucune importance.

    Ceci dit, concernant l'islamophobie des péquistes, j'en ai marre qu'illes continuent dans cette merde! Illes sont en train de perdre avec ça!

    Et en passant, je préfère une province médiocratique à un Québec indépendant totalitaire qui n'arrivera jamais. Quand même!

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