mercredi 26 septembre 2012

Les flaques d'eau

Je ne considère pas que l'ajout de paliers d'impôts pour les riches est une solution viable à long terme. Parce que peu importe le liquide qu'on leur prend, leur proximité du robinet à argent reste la même. Vous montez leurs impôts? Je pense un peu comme Ian Sénéchal qu'ils vont trouver un moyen d'augmenter leur créativité fiscale. D'autres, patron-ne-s, n'auront qu'à augmenter leur salaire eux-mêmes, pour ceux et celles qui en ont le pouvoir, et remettre la facture aux employé-e-s qu'illes exploitent, aux locataires de leurs immeubles qu'illes trompent, aux client-e-s qu'illes escroquent. Voyez comment nos honorables député-e-s s'en sortent. Imaginez le reste. Et de toute façon la décision de Marois ne sera pas acceptée, elle devra reculer. Le PQ lui-même n'est pas réellement un parti de gauche. Et il fait face à deux partis de droite ami-e-s des possédant-e-s.

Tant mieux toutefois si plusieurs riches acceptent simplement, et volontiers, de faire leur « juste part », par une sorte d'humanisme et de sollicitude toute aristocratique. Peut-être que ces derniers/ères accepteront un jour de vivre en anarchie[1].

Cela dit, je trouve que la tournure des évènements est passablement marrante. Les éditorialistes de droite, les leaders d'opinion bourgeois et plusieurs des possédant-e-s eux-mêmes couinent comme des loups pris dans un piège à pattes. C'est le scandale du siècle. Non, du millénaire.

Certains arguments - les mêmes qui servent toujours à justifier le mode de vie des riches - sont particulièrement populaires. On parle avec admiration du travail de ces fiers self-made men et on l'oppose en sous-entendu avec la fainéantise du pauvre. On parle de la générosité - bien involontaire - de cette classe qui, comme un choeur de magicien-ne-s, fait sortir les richesses d'un chapeau et accepte d'en laisser gracieusement une partie aux cochons avides et ingrats que nous sommes. J'ai aussi lu et relu encore ce fameux « On est 3%, on paie 30% d'impôts ». Terrible, n'est-ce pas.

L'ironie est exceptionnelle. Eux qui nous traitaient de plaignards, d'enfants gâtés, de fainéant-e-s. Et certain-e-s qui prétendaient que la hausse des frais de scolarité était en fait un gain pour les étudiant-e-s les plus défavorisé-e-s et que c'était en fait progressiste comme mesure, contre-intuitivement, parce que les pauvres n'avaient pas à payer pour l'éducation des riches, et que la hausse permettait aux étudiant-e-s riches de payer pour l'aide financière des pauvres. Si ces prétentions étaient vraies, l'ajout de paliers d'imposition s'inscrit tout à fait dans cette lignée, non?  De quoi Alain Dubuc se plaint-il donc? Surtout qu'il propose maintenant de rendre la taxe santé... progressive. Hostie d'épais.

Pratte va plus loin en disant que les riches paient déjà plus que leur part, sachant très bien que le retour du balancier de la juste part lui arrive dans la gueule avec la vélocité d'un TGV. Ses arguments sont tellement simplistes et sa panique tellement manifeste que je m'en explose la rate à chaque trois mots. En ce qui concerne la fameuse démocratie à 32% qui est en voie de devenir une expression fort populaire, je ferais remarquer aux auteurs de cette expression, ces espèces de parasites de l'intellectualisme, que Marois et Charest ont eu respectivement la victoire aussi médiocre que semblable: 24% de l'électorat. Et quand bien même auraient-illes eu chacun-e 80%! Qu'est-ce qu'on s'en crisse.

La misère

Je tiens à dire que ce phénomène étrange de la misère de riches date de longtemps. Aux alentours de 2150 AEC, Ipou-Our, scribe et ancêtre d'André Pratte, se lamentait sur le sort de l'Égypte pharaonique, attaquée de toutes part, sans doute, par des crottés, des socialistes, des fauteurs de trouble, des anarchistes, etc. Voici ce qu'il disait:

« Voyez, celui qui ne pouvait construire pour lui une barque est propriétaire de bateaux,
celui qui en avait les regarde : ils ne sont plus à lui.
Voyez, celui qui ignorait la cithare possède une harpe
Voyez, la femme qui mirait son visage dans l'eau possède un miroir de bronze.
Toute bonne chose a disparu! [...] »

« […] l’âge d’or sera oublié.
Règneront la violence, le crime et le vol […]
La hiérarchie sera détruite, toutes les valeurs seront inversées […] »

C'est fou comme les choses ne changent pas, hein?

Je voudrais aussi poser cette question aux pauvres riches qui se lamentent sur leur sort: c'est quand, la dernière fois que vous avez passé tout un hiver avec des souliers troués? Je sais que vous vous en foutez, parce que vos voitures vous portent en flottant par-dessus les flaques d'eau. Et c'est bien ça le problème. Vous ne comprenez pas ce que c'est.

Personne ne devrait être au-dessus des flaques d'eau.

_________________

[1] Lol.

2 commentaires:

  1. C'est possiblement la note en bas de page la plus pertinente que je n'ai jamais lue. :-)

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  2. Vous lisez ça, les notes en bas de page? :-O

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