jeudi 30 août 2012

Vieil ignorant.

Ancien éditorialiste du Devoir, M. Sansfaçon a décidé, en grand intellectuel, de faire un lien entre les jeunes fachos grecs et les étudiant-e-s qui bloquent des cours à l'UQAM et à l'UdeM depuis lundi.

Depuis, et malgré les limites de Twitter qui ne permettent pas de déjouer aisément les déclarations aussi courtes, punchées que stupides, M. Sansfaçon a reçu plusieurs réponses. Cela dit, il ne semble pas en avoir compris grand-chose. Il reste campé sur sa position intenable et ridicule.

Pour comprendre à quel point l'insulte de l'ancien éditorialiste est insoutenable, il faut tout d'abord savoir que les fascistes de Grèce sont en fait des néonazis. Car c'est bien à eux que le journaliste compare les étudiant-e-s, n'est-ce pas? À moins que son esprit soit tellement étroit qu'en fait, c'est aux anarchistes de Grèce qu'il tente de les associer. Après tout, eux, comme les uqamien-n-es apparemment, sont masqué-e-s, ingouvernables et allergiques aux médias! Et puis certaines personnes un peu spéciales ont tendance à définir tous leurs adversaires avec le même terme. Selon Benhabib, nous sommes tous et toutes des islamistes. Selon le Parti Républicain, des communistes et selon les ténors de la radio-poubelle, des crotté-e-s.

Mais nous ne présumerons pas que Sansfaçon parle de cette petite clique de rebelles qui se bat contre la violence de l'État et justement, de son fascisme de moins en moins subtil. C'est réellement à d'authentiques fachos auxquels il fait référence.

Et que font ces nostalgiques? Ils forment des milices et s'attaquent aux étrangers/ères. En bandes, avec des armes, et vont jusqu'à poignarder des innocent-e-s.

Mais que fait donc la police? Certain-e-s croient qu'en fait, l'Aube Dorée (le parti néonazi grec) a des liens avec elle. Pensez-vous donc que les néonazis ressentent nécessairement le besoin de porter des masques quand ils font leurs razzias?

Dans ce contexte, les journalistes ne sont que les derniers sur la liste à être « intimidé-e-s », après les gauchistes, les antiautoritaires, les femmes, les homosexuel-le-s et autres non-conformistes. Mais tout de même, les néonazis ne sont tendres avec eux.  Lors d'un discours du chef du parti, des hommes baraqués les a forcés à se lever pour lui montrer du respect. Et les critiques, de la part de leur petit führer, sont acerbes à leur égard.

***

Qu'ont fait exactement les étudiant-e-s qui bloquaient les cours à l'UQAM? Eh bien à ma connaissance, pas grand-chose. Même si je nie catégoriquement avoir participé au blocage et avoir contrevenu à la loi 12[1], j'ai quand même pu assister à la levée de quelques cours. Comment ça s'est passé? Eh bien sans contacts physiques. Les jeunes masqués ou pas soufflaient dans des trompettes, faisaient clignoter les lumières, et levaient les cours parfois même après avoir négocié avec les élèves réfractaires au vote de grève. Les seules menaces dont j'ai été témoin: de revenir plus tard et faire plus de bruit. Et cela malgré les actes sévères de provocation.

Lever des cours, faire respecter une grève, faire du piquetage, c'est un droit acquis qui n'a jamais fondamentalement été remis en question avant cette année. Jamais a-t-on autant assimilé, autrefois, cette pratique à du fascisme. La négation du droit de grève et menacer de dissoudre des associations syndicales, plutôt, ça s'en approche! Et c'est tout à fait l'esprit de la loi 12.

Quant à l'intimidation des journalistes: j'aimerais bien savoir si M. Sansfaçon y était, au juste, à l'UQAM, pendant les blocages. De mon point de vue, son statut d'ancien éditorialiste et de journaliste invité au Devoir me laisse croire qu'on a ici affaire à un planqué qui n'a pas fait de terrain de manière quotidienne depuis plusieurs décennies, et dont le rôle exact est de déblatérer des opinions biaisées sans références fiables, un problème qui n'épargne pas tous les journalistes de terrain, d'ailleurs.

J'ai déjà parlé des évènements souvent caractérisés par plusieurs journalistes d'intimidation. Brian Myles et Rima Elkouri, entre autres, s'en sont plaints, suite à leur participation à une vigile devant le Palais de Justice de Montréal. Myles avait alors lui aussi évoqué le spectre du totalitarisme.

Ce que ces journalistes oublient de dire, c'est que plusieurs de leurs collègues harcèlent et agressent régulièrement les militant-e-s. Illes prennent des dizaines de photos, leur objectif à trois centimètres du visage et promènent leurs caméras partout, parfois même dans l'angle des masques pour avoir une meilleure idée des traits de manifestant-e-s souhaitant rester anonymes. Et dès qu'on tente de se protéger en bloquant leur objectif avec un bout de tissu ou en levant la main devant l'objectif (sans y toucher!), illes hurlent: « NE ME TOUCHE PAS! TU N'AS PAS LE DROIT DE ME TOUCHER! » Il arrive même assez régulièrement que des journalistes nous insultent vertement en gueulant. Et on ne reviendra pas sur les mensonges et erreurs factuelles qui ont rendu la vie de plusieurs impossible. Tous et toutes ne se conduisent pas de cette manière, mais l'échantillon est assez important pour que les activistes leur demandent poliment de sortir de certaines assemblées générales. Et pour que d'autres les empêchent d'entrer dans une classe. Au cas où illes seraient trop pressé-e-s de diffuser de fausses informations...

En quoi consistait au juste l'intimidation dont ont été victimes les journalistes mentionnés par Sansfaçon? Sans sources et sans précision, on ne peut même pas confirmer que cette intimidation a eu lieu. De plus, depuis l'hiver dernier, ce concept d'intimidation est utilisé à tort et à travers. N'importe qui peut se dire intimidé par n'importe quelle broutille. Une société d'enfants-rois, troublée par des multiples crimes de lèse-majesté contre le confort douillet de la routine, pourrait-on dire. Pendant ce temps-là, les flics battent des profs dans l'entrée de l'UdeM - et nous en avons des preuves assez convaincantes - mais ça ne fait pas réagir les journalistes avec autant d'hostilité.


Cela dit, des personnes ont témoigné de véritable intimidation et de menaces réelles au cours de certaines levées de cours, lundi dernier. Si ces menaces envers des étudiant-e-s sont avérées, eh bien je les dénonce. Mais il s'agit ici de cas isolés.

Les journalistes ont tendance à se considérer eux-mêmes comme les baromètres de la démocratie. Quand on s'attaque à eux, on est nécessairement des instruments d'un pouvoir aussi sombre que vil. C'est souvent le cas, mais il faut que les journalistes cessent de s'attribuer ce rôle de colombe de l'espoir et de la liberté. Dans tout régime, il y a une presse d'État, des journalistes qui servent les intérêts du pouvoir et des dominant-e-s. Le Québec n'est pas l'Iran, mais ses médias ne sont pas pour autant tous absolument neutres. Les prétendre totalement indépendants serait une belle escroquerie et une insulte pour notre intelligence. Par ailleurs, les journalistes, quand bien même ne serviraient-illes pas un patron ou un gouvernement, sont-illes souvent affecté-e-s par leur manque de rigueur, leur ambition ou leur biais idéologique. En tant que tels, illes peuvent parfaitement servir les intérêts d'un pouvoir autoritaire.

Ce que M. Sansfaçon fait, comme plusieurs autres - je pense notamment à Dutrizac - en se livrant à des comparaisons hideuses, c'est devenir un outil de domination. Dans l'esprit de beaucoup, s'attaquer physiquement à des bandits ou des fascistes est totalement légitime. En admettant que des crétin-e-s parviennent à convaincre la population que nous sommes faits de la même matière que ces sales types, la répression violente et la coercition sont justifiées. J'ai déjà parlé du rôle essentiel de la légitimité dans l'exercice du pouvoir. Sans légitimité, il n'y a en fait pas d'exercice du pouvoir possible. Un exemple: hier, un membre de l'AFESH, lors de l'assemblée générale, a noté qu'au cours des derniers mois, la loi du gouvernement est devenue moins légitime qu'une décision prise dans le cadre d'assemblées démocratiques. D'où le consentement de la population étudiante à lever les cours tant que l'assemblée n'ait pas statué le contraire. D'où le fait que les étudiant-e-s de l'UdeM aient préféré se faire arrêter et se battre que d'abandonner.

Cette légitimité acquise a une force supérieure à celle de la coercition policière.

Nous dépeindre pathétiquement en nazi-e-s a l'effet contraire. Cela rend légitime la coercition la plus brutale. Et qui rend légitime le permet et l'encourage! Le mot propagande, ça vous dit quelque chose?

Où je veux en venir: les mensonges ont leur rôle à jouer dans l'oppression. Autant que la matraque. Mieux. Le mensonge et les manipulations PRÉCÈDENT la matraque. Ils s'en portent garants. Ils en sont l'âme.

Voilà pourquoi Sansfaçon et cie me choquent tant. Parce qu'illes SONT des oppresseur-e-s, parce qu'illes ont leurs responsabilités dans les blessures, les arrestations et les tracas que nous subissons chaque semaine depuis toujours. Parce que la liberté de l'un-e ne doit pas empiéter sur celle de l'autre, et qu'en nous diffamant et qu'en encourageant la violence contre nous, illes n'utilisent pas leur liberté d'expression: illes nous marchent sur la gueule.

___________________

[1] Croyez-moi sur parole. Lol.

7 commentaires:

  1. Point Godwin pour Sansfaçon. Ce n'et pas très brillant pour un membre éminent de notre élite intellectuelle.

    Si je me souviens bien, les journalistes se plaisent à se qualifier de chiens de garde de la démocratie. Ce faisant, ils admettent eux-même qu'ils sont des flics avec une heure de tombée.

    RépondreSupprimer
  2. Ça me fait penser, j'aurais pu, au lieu de passer une heure à écrire ce texte élaboré, simplement taper "1 point Godwin". Cela dit, l'association avec des fachos est dans certaines situations tout à fait pertinente.

    Des chiens et chiennes de garde, oui. Mais on ne sait parfois pas vraiment de quoi.

    RépondreSupprimer
  3. Tenez, je vous donne un point Godwin, comme ça la prochaine fois, on évitera tous et toutes les crises d'exaspération dommageables pour notre santé cardiaque.

    http://annearchet.files.wordpress.com/2012/08/godwinpoint.png?

    RépondreSupprimer
  4. Merci pour le point Godwin, mais je ne sais plus trop à quelle crise d'exaspération vous faites référence.

    RépondreSupprimer
  5. Celles qui vont advenir chaque fois qu'on se fera dans le futur comparer à des nazis --- ou que des nazis se feront qualifier d'anars.

    RépondreSupprimer
  6. N‘oublie pas de ne pas aller voter

    RépondreSupprimer