jeudi 30 août 2012

Vieil ignorant.

Ancien éditorialiste du Devoir, M. Sansfaçon a décidé, en grand intellectuel, de faire un lien entre les jeunes fachos grecs et les étudiant-e-s qui bloquent des cours à l'UQAM et à l'UdeM depuis lundi.

Depuis, et malgré les limites de Twitter qui ne permettent pas de déjouer aisément les déclarations aussi courtes, punchées que stupides, M. Sansfaçon a reçu plusieurs réponses. Cela dit, il ne semble pas en avoir compris grand-chose. Il reste campé sur sa position intenable et ridicule.

Pour comprendre à quel point l'insulte de l'ancien éditorialiste est insoutenable, il faut tout d'abord savoir que les fascistes de Grèce sont en fait des néonazis. Car c'est bien à eux que le journaliste compare les étudiant-e-s, n'est-ce pas? À moins que son esprit soit tellement étroit qu'en fait, c'est aux anarchistes de Grèce qu'il tente de les associer. Après tout, eux, comme les uqamien-n-es apparemment, sont masqué-e-s, ingouvernables et allergiques aux médias! Et puis certaines personnes un peu spéciales ont tendance à définir tous leurs adversaires avec le même terme. Selon Benhabib, nous sommes tous et toutes des islamistes. Selon le Parti Républicain, des communistes et selon les ténors de la radio-poubelle, des crotté-e-s.

Mais nous ne présumerons pas que Sansfaçon parle de cette petite clique de rebelles qui se bat contre la violence de l'État et justement, de son fascisme de moins en moins subtil. C'est réellement à d'authentiques fachos auxquels il fait référence.

Et que font ces nostalgiques? Ils forment des milices et s'attaquent aux étrangers/ères. En bandes, avec des armes, et vont jusqu'à poignarder des innocent-e-s.

Mais que fait donc la police? Certain-e-s croient qu'en fait, l'Aube Dorée (le parti néonazi grec) a des liens avec elle. Pensez-vous donc que les néonazis ressentent nécessairement le besoin de porter des masques quand ils font leurs razzias?

Dans ce contexte, les journalistes ne sont que les derniers sur la liste à être « intimidé-e-s », après les gauchistes, les antiautoritaires, les femmes, les homosexuel-le-s et autres non-conformistes. Mais tout de même, les néonazis ne sont tendres avec eux.  Lors d'un discours du chef du parti, des hommes baraqués les a forcés à se lever pour lui montrer du respect. Et les critiques, de la part de leur petit führer, sont acerbes à leur égard.

***

Qu'ont fait exactement les étudiant-e-s qui bloquaient les cours à l'UQAM? Eh bien à ma connaissance, pas grand-chose. Même si je nie catégoriquement avoir participé au blocage et avoir contrevenu à la loi 12[1], j'ai quand même pu assister à la levée de quelques cours. Comment ça s'est passé? Eh bien sans contacts physiques. Les jeunes masqués ou pas soufflaient dans des trompettes, faisaient clignoter les lumières, et levaient les cours parfois même après avoir négocié avec les élèves réfractaires au vote de grève. Les seules menaces dont j'ai été témoin: de revenir plus tard et faire plus de bruit. Et cela malgré les actes sévères de provocation.

Lever des cours, faire respecter une grève, faire du piquetage, c'est un droit acquis qui n'a jamais fondamentalement été remis en question avant cette année. Jamais a-t-on autant assimilé, autrefois, cette pratique à du fascisme. La négation du droit de grève et menacer de dissoudre des associations syndicales, plutôt, ça s'en approche! Et c'est tout à fait l'esprit de la loi 12.

Quant à l'intimidation des journalistes: j'aimerais bien savoir si M. Sansfaçon y était, au juste, à l'UQAM, pendant les blocages. De mon point de vue, son statut d'ancien éditorialiste et de journaliste invité au Devoir me laisse croire qu'on a ici affaire à un planqué qui n'a pas fait de terrain de manière quotidienne depuis plusieurs décennies, et dont le rôle exact est de déblatérer des opinions biaisées sans références fiables, un problème qui n'épargne pas tous les journalistes de terrain, d'ailleurs.

J'ai déjà parlé des évènements souvent caractérisés par plusieurs journalistes d'intimidation. Brian Myles et Rima Elkouri, entre autres, s'en sont plaints, suite à leur participation à une vigile devant le Palais de Justice de Montréal. Myles avait alors lui aussi évoqué le spectre du totalitarisme.

Ce que ces journalistes oublient de dire, c'est que plusieurs de leurs collègues harcèlent et agressent régulièrement les militant-e-s. Illes prennent des dizaines de photos, leur objectif à trois centimètres du visage et promènent leurs caméras partout, parfois même dans l'angle des masques pour avoir une meilleure idée des traits de manifestant-e-s souhaitant rester anonymes. Et dès qu'on tente de se protéger en bloquant leur objectif avec un bout de tissu ou en levant la main devant l'objectif (sans y toucher!), illes hurlent: « NE ME TOUCHE PAS! TU N'AS PAS LE DROIT DE ME TOUCHER! » Il arrive même assez régulièrement que des journalistes nous insultent vertement en gueulant. Et on ne reviendra pas sur les mensonges et erreurs factuelles qui ont rendu la vie de plusieurs impossible. Tous et toutes ne se conduisent pas de cette manière, mais l'échantillon est assez important pour que les activistes leur demandent poliment de sortir de certaines assemblées générales. Et pour que d'autres les empêchent d'entrer dans une classe. Au cas où illes seraient trop pressé-e-s de diffuser de fausses informations...

En quoi consistait au juste l'intimidation dont ont été victimes les journalistes mentionnés par Sansfaçon? Sans sources et sans précision, on ne peut même pas confirmer que cette intimidation a eu lieu. De plus, depuis l'hiver dernier, ce concept d'intimidation est utilisé à tort et à travers. N'importe qui peut se dire intimidé par n'importe quelle broutille. Une société d'enfants-rois, troublée par des multiples crimes de lèse-majesté contre le confort douillet de la routine, pourrait-on dire. Pendant ce temps-là, les flics battent des profs dans l'entrée de l'UdeM - et nous en avons des preuves assez convaincantes - mais ça ne fait pas réagir les journalistes avec autant d'hostilité.


Cela dit, des personnes ont témoigné de véritable intimidation et de menaces réelles au cours de certaines levées de cours, lundi dernier. Si ces menaces envers des étudiant-e-s sont avérées, eh bien je les dénonce. Mais il s'agit ici de cas isolés.

Les journalistes ont tendance à se considérer eux-mêmes comme les baromètres de la démocratie. Quand on s'attaque à eux, on est nécessairement des instruments d'un pouvoir aussi sombre que vil. C'est souvent le cas, mais il faut que les journalistes cessent de s'attribuer ce rôle de colombe de l'espoir et de la liberté. Dans tout régime, il y a une presse d'État, des journalistes qui servent les intérêts du pouvoir et des dominant-e-s. Le Québec n'est pas l'Iran, mais ses médias ne sont pas pour autant tous absolument neutres. Les prétendre totalement indépendants serait une belle escroquerie et une insulte pour notre intelligence. Par ailleurs, les journalistes, quand bien même ne serviraient-illes pas un patron ou un gouvernement, sont-illes souvent affecté-e-s par leur manque de rigueur, leur ambition ou leur biais idéologique. En tant que tels, illes peuvent parfaitement servir les intérêts d'un pouvoir autoritaire.

Ce que M. Sansfaçon fait, comme plusieurs autres - je pense notamment à Dutrizac - en se livrant à des comparaisons hideuses, c'est devenir un outil de domination. Dans l'esprit de beaucoup, s'attaquer physiquement à des bandits ou des fascistes est totalement légitime. En admettant que des crétin-e-s parviennent à convaincre la population que nous sommes faits de la même matière que ces sales types, la répression violente et la coercition sont justifiées. J'ai déjà parlé du rôle essentiel de la légitimité dans l'exercice du pouvoir. Sans légitimité, il n'y a en fait pas d'exercice du pouvoir possible. Un exemple: hier, un membre de l'AFESH, lors de l'assemblée générale, a noté qu'au cours des derniers mois, la loi du gouvernement est devenue moins légitime qu'une décision prise dans le cadre d'assemblées démocratiques. D'où le consentement de la population étudiante à lever les cours tant que l'assemblée n'ait pas statué le contraire. D'où le fait que les étudiant-e-s de l'UdeM aient préféré se faire arrêter et se battre que d'abandonner.

Cette légitimité acquise a une force supérieure à celle de la coercition policière.

Nous dépeindre pathétiquement en nazi-e-s a l'effet contraire. Cela rend légitime la coercition la plus brutale. Et qui rend légitime le permet et l'encourage! Le mot propagande, ça vous dit quelque chose?

Où je veux en venir: les mensonges ont leur rôle à jouer dans l'oppression. Autant que la matraque. Mieux. Le mensonge et les manipulations PRÉCÈDENT la matraque. Ils s'en portent garants. Ils en sont l'âme.

Voilà pourquoi Sansfaçon et cie me choquent tant. Parce qu'illes SONT des oppresseur-e-s, parce qu'illes ont leurs responsabilités dans les blessures, les arrestations et les tracas que nous subissons chaque semaine depuis toujours. Parce que la liberté de l'un-e ne doit pas empiéter sur celle de l'autre, et qu'en nous diffamant et qu'en encourageant la violence contre nous, illes n'utilisent pas leur liberté d'expression: illes nous marchent sur la gueule.

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[1] Croyez-moi sur parole. Lol.

mardi 28 août 2012

Le F.E.A.R, une organisation anarchiste? (1)

Je dois avouer que cette nouvelle me rend assez confus. Des « anarchistes » servant dans l'armée américaine auraient assassiné un jeune homme et son amoureuse après que celui-ci ait apparemment pris la décision de quitter leur groupe de « milice ».

Leur projet risquant d'être éventé? Faire sauter un barrage, empoisonner l'industrie de la pomiculture et assassiner Obama. Ils avaient déjà, paraît-il, acheté pour plus de 80 000$ de matériel, notamment des armes à feu automatiques, dans l'objectif de servir leur sombre dessein.

Leur nom: le F.E.A.R., « Forever Enduring Always Ready ».

J'ai trouvé assez peu de signes rattachant les quatre militaires à l'anarchisme. Les médias intéressés à l'histoire, essentiellement anglophones, parlent cependant unanimement d'anarchistes. La preuve évoquée: les tatouages rappelant le « symbole de l'anarchie [1]». Je n'ai toujours pas trouvé de photos l'attestant, toutefois. Si vous en trouvez, prières de diffuser.

Par ailleurs, leurs plans d'attaques visant le gouvernement et la déstabilisation de l'industrie devaient permettre de « redonner le gouvernement au peuple », car, selon un des membres du groupe, « le gouvernement a besoin de changements ». Voilà pourquoi ils souhaitaient renverser ce gouvernement (le terme utilisé ici en anglais est overthrow).

Les informations sont fragmentaires dans tous les articles jusqu'à maintenant rapportés. Cela dit, l'interrogatoire d'un des membres du groupe (Michael Burnett), qui a témoigné contre ses ex-compères, est particulièrement étrange. Un court vidéo est disponible ici. Tout d'abord, notons que le militaire accusé apparaît en tenue militaire, drapeau américain à l'épaule. Un accident? Peut-être. Toutefois, alors que l'officier de justice lui demande si son groupe visait à déclencher une révolution, Burnett a acquiescé avant d'ajouter : « patriotism ». Il aurait aussi été mis en contact avec ce que son camarade appelait le « Book about true patriots ». Le même individu utilisait un article de revue sur un jeu vidéo évoquant la prise de pouvoir, aux États-Unis, des forces armées. C'est le patriotisme et le rêve de faire un putsch militaire qui motivait ces anarchistes?  Ah bon.

Le recruteur du groupe, Isaac Aguigui, et qui semblait en quelque sorte le leader de la milice, est un personnage sinistre. Après la mort suspecte (selon certains médias) de sa femme, qui était alors enceinte, il utilise les fonds de l'assurance-vie (500 000$) afin de procurer des armes à son organisation. Ce serait peut-être également lui qui aurait ouvert le feu sur Roarke (récemment sorti de l'armée) et sur l'amoureuse de celui-ci. Crime hideux s'il en est, commis sans doute dans la peur que leur ancien camarade ne se livre à la délation.

Il y a quelque chose de troublant dans le passé de Aguigui: il aurait été membre actif du Parti Républicain. Il aurait entre autres servi de « page » à la Convention républicaine de 2008, bien que l'identité du page partageant le même nom et les mêmes traits de visage que l'assassin n'ait pas encore été confirmée. Il aurait aussi représenté l'État de Washington dans le cadre d'une activité nommée « American Legion Boys Nation », un genre de simulation de session parlementaire. Ce programme est porteur d'un projet profondément nationaliste.

Au moment du double-assassinat, Aguigui était-il toujours membre du Parti Républicain? Avait-il gardé des convictions conservatrices[2]?

Il est pertinent de rappeler, en tout cas, que l'une des principales caractéristiques des anarchistes est l'antinationalisme et l'antipatriotisme. Le libellé de l'accusation peut affirmer ce qu'il veut, ce ne sont pas les idéaux de Kropotkine, de Bakounine, d'Élisée Reclus, de Stirner, de Lhermina et compagnie qui ont inspiré les assassinats et la conspiration. Le nom même de F.E.A.R. ne sonne pas très anarchiste. A-t-on affaire ici, plutôt, à une dénomination générale de la part des procureurs? Comme quoi toute attaque visant à instaurer un climat d'instabilité serait un attentat anarchiste? Par ailleurs, il est possible que l'association de l'anarchisme et du F.E.A.R. serait née d'une appréciation fictive de l'anarchisme. C'est-à-dire, en termes compréhensibles: les membres de la milice auraient voulu avoir l'air badass, alors il auraient adopté un nom épeurant et des tatous à la symbolique féroce... de réputation[3].

Il faut aussi mentionner que HateWatch, qui se spécialise dans la surveillance des organisations d'extrême-droite et qui a commenté rapidement le drame, ne fait pas le rapprochement entre anarchisme et tatouage « ressemblant au symbole de l'anarchie ». Ce rapprochement semble tirer ses origines de l'ignorance de procureurs ou de leur terminologie confuse, reprise ensuite par les médias.

Le vaste complot imaginé par les membres du F.E.A.R. ne devrait pas non plus éclipser les véritables victimes (connues et confirmées) des militaires arrêtés : Michael Roark et sa partenaire, Tiffany York, âgée seulement de 17 ans. Obama est bien vivant, lui, qu'il ait été visé ou non par des plan chimériques.

Ajout: Anne Archet remarque, dans un commentaire ci-dessous, que le plan du FEAR pourrait avoir un lien avec le célèbre roman d'extrême-droite, The Turner Diaries, qui a joué un rôle dans l'inspiration de plusieurs attentats antérieurs. The Turner Diaries raconte et glorifie l'histoire de suprémacistes blancs qui, après avoir déclenché une révolution raciste et commis plusieurs attentats contre un gouvernement de gauche, participent à une guerre nucléaire qui anéantit les trois-quarts de la planète. Les similitudes sont importantes entre le projet du FEAR et le roman, mais j'attends de nouvelles informations avant de faire une connexion directe.

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[1] « He [Isaac Aguigui] used the Army to recruit militia members, who wore distinctive tattoos that resemble an anarchy symbol » Source
 [2]«"When Obama outlined his health-care plan, 17-year-old Isaac Aguigui of Cashmere said, 'That makes absolutely no sense.' "»  Source.
[3] Bien plus question ici, finalement, de Sons of Anarchy que de Chomsky.

Un tract trouvé dans mon quartier en mai dernier.

Trouvé à Villeray et toujours d'actualité.
Cliquer pour agrandir.

UdeM: rassemblement demain matin.

Je transmets l'information.

Les demandes d'aide à l'UdeM se sont multipliées depuis les dernières heures, la vérité est que la situation actuelle à l'UdeM est plus que trash : trop peu nombreux et nombreuses par rapport au nombre incroyable de policiers qui patrouillent, profilent, intimident et arrêtent nos camarades.

Tout en étant conscient-e-s que l'UQAM a aussi besoin de militants et militantes, une aide significative pour demain matin (mercredi le 29 août) serait VRAIMENT appréciée.

La police n'a pas sa place dans nos écoles!

MERCREDI 29 AOUT
7H30
DEVANT LE 3200 JEAN-BRILLANT
MÉTRO UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL OU CÔTE-DES-NEIGES


Mise à jour: finalement, l'UdeM a décidé d'annuler les cours en grève jusqu'à la fin de la semaine.

UdeM, prison.

Voilà un bel article qui ne dit pas grand-chose, et qui décrit mal le climat de terreur que subissent actuellement des étudiant-e-s et profs de l'UdeM. Et pourant, en-dehors des réseaux sociaux, c'est à peu près la seule info qui filtre. Elle ne mentionne pas que des agents de sécurité enferment des gens dans certaines classes pour que les cours se donnent, et que des profs ont reçu l'ordre de faire fi de leur libre-arbitre et de donner leurs cours malgré tout, sous la menace.

Dans quelle sorte de régime les matraques et les amendes menacent celui ou celle qui refuse de rentrer au bureau et de travailler, alors que les flics patrouillent dans les corridors? Dans quelle sorte de régime des profs en pleurs doivent enseigner devant une classe de 4 personnes?

Une assemblée générale a aussi été prise en souricière. Il n'est même plus question de débattre, de s'exprimer ou de faire quoi que ce soit.

Vous en vouliez de l'obéissance? En v'là. De l'obéissance dans toute sa profonde laideur, avec ses têtes baissées, ses menottes, sa violence.

lundi 27 août 2012

Rentrée forcée à l'UdeM

Les rumeurs et témoignages se multiplient. L'UdeM est redevenue, comme au printemps dernier pendant quelques jours, une université occupée. Alors que les levées de cours à l'UQAM n'ont pas provoqué d'intervention policière, les udemien-ne-s ont dû faire face à une coercition sévère. Les agents de sécurité de l'institution ont entre autres séquestré des étudiant-e-s (ceux-ci n'étaient pas barricadés) qui avaient simplement refusé de s'identifier, vandalisé le matériel de CUTV et forcé des professeur-e-s à rentrer en classe.

Le climat est dégueulasse. Guy Breton, le recteur, a passablement réussi à transformer son université en État totalitaire. Ce n'est d'ailleurs pas de sa propre initiative que la police est entrée dans le Pavillon Jean-Brillant. Breton doit assumer ses responsabilités dans toute cette histoire: c'est réellement ce petit Mussolini minable qui entretient le chaos à l'université, lui et ses copains du gouvernement.

Aucune stabilité n'est possible dans ce contexte. Plus de répression entraînera encore plus de désordre, et les gouvernant-e-s seraient naïfs de croire que les résultats de leurs décisions n'auront pas de conséquences à long terme, même si dans les prochains jours, le mouvement venait à s'effondrer complètement.

mercredi 22 août 2012

Le Groupe Altus qui compte les manifestant-e-s.

Radio-Canada a dépensé un montant x afin de connaître le "vrai" nombre de manifestant-e-s aujourd'hui, grâce à l'aide du groupe Altus.

Une recherche sur le site web nous apprend que cette firme ne semble pas avoir de nombreuses expériences dans le domaine de l'estimation de manifs. Le site de Radio-Canada nous affirme qu'il y a eu deux calculs: un à la Place du Canada, alors que la foule était immobile, et un autre plus tard, coin Bleury et Sherbrooke.

Je ne remets pas en question le deuxième résultat obtenu, qui l'aurait été avec des compteurs à mains, même si on ne connaît pas vraiment la méthodologie. Idéalement, il aurait fallu rester immobile et cliquer sur le compteur une fois toutes les dix personnes. Il m'arrive de le faire en comptant par bloc de 100 personnes mentalement, et de noter chaque bloc sur une feuille de papier avant de multiplier. C'est moins fiable mais ça fait l'affaire. Pour y arriver, il faut repérer un goulot d'étranglement: souvent un coin de rue ou une avenue plus étroite que les autres, qui nous permet de réduire au maximum l'incertitude.

Les calculs selon la densité dans un espace donné ne sont selon moi absolument pas fiables. Tout d'abord parce qu'il n'y a jamais autant de gens sur la ligne de départ qu'en plein milieu de la manifestation. Faire un calcul à 14h35, c'était une idée foireuse, étant donné que nous ne sommes parti-e-s que bien plus tard. Comme des milliers d'autres manifestant-e-s aguerri-e-s, j'ai l'habitude d'arriver au moins une demie-heure après le début "officiel" d'une grande manifestation.

Interviewé par SRC, Jean-François Grenier, directeur de la filiale recherche marketing du Groupe Altus, dit que c'est à l'avantage des manifestant-e-s de gonfler leur nombre. On pourrait répondre que c'est à l'avantage d'une grande firme très capitaliste qui fait dans l'immobilier que de proposer des estimations conservatrices vis-à-vis d'un mouvement qui se méfie de la corruption dans le monde de la construction. Rappelons aussi que ce ne sont PAS des scientifiques, mais des entrepreneurs dont l'objectif est de réaliser des profits. Si par exemple les évaluateurs/trices étaient arrivé-e-s à un résultat significativement différent lors des deux comptages (il faut croire que le Groupe Altus arrive à un chiffre d'environ 12 000 les deux fois), il aurait été malaisé de présenter cette anomalie à Radio-Canada. Dans le cas d'études scientifiques, ces anomalies sont toujours relevées. En d'autres mots, ce n'est pas parce que Radio-Canada les a payés une fortune pour qu'ils estiment une foule que le Groupe Altus est un acteur neutre et fiable dans le débat. Un peu tiré par les cheveux, vous dites? Et pourquoi remettre alors en question l'honnêteté des organisateurs/trices des manifs?

Cela dit, j'ai toujours eu moi-même des estimations plus basses que celles des organisateurs/trices des manifestations. Parfois même plus basses que celles de la police. Je pense que les organisateurs/trices ont souvent un excès d'enthousiasme quand illes comptent les manifestant-e-s. Ça inclue les gens du mouvement des Cols Rouges, de Radio-X et des fans des Nordiques.

Radio-Canada cite (sans guillemets) M. Grenier à propos de la manifestation du 22 mars, qui remet en question le nombre de 200 000, qui a été largement retenu par la population:

« Pour contenir une telle foule [200 000 personnes] dans la Place du Canada, un espace de 13 000 mètres carrés, il y aurait dû y avoir 12 personnes au mètre carré ».

Cela dit, une foule déborde souvent de tous les côtés. Elle ne se limite pas au petit espace d'une place, d'un parc ou d'un square. Et quand la marche est partie, il y a encore du monde qui arrive et d'autres qui empruntent des rues parallèles! À l'inverse, avant même qu'une marche se termine, les gens évacuent déjà massivement (pas juste 10%!). Se fier sur la densité d'une foule lors du rassemblement de fin de parcours, c'est ridicule.

M. Grenier a déjà parlé de calcul de foule. C'était en 2003 à Radio-Canada. Il dit que le calcul le plus efficace se fait alors que la foule est compacte: on peut alors calculer la densité. Quand la foule est en mouvement, c'est « plus difficile ». En ce qui me concerne, je crois plutôt le contraire: les calculs de densité d'une foule, lors d'une manifestation, ne valent pas un clou. Le Groupe Altus a beau déployer des moyens impressionnants avec des modèles mathématiques, informatiques et un facteur de dispersion, je ne pense pas qu'on puisse se servir de telles informations.

Une foule compacte compte environ 2,6 personnes au m2, selon M. Grenier. En admettant qu'on aurait calculé la foule du 22 mars selon cet unique critère, on serait arrivé-e-s à un résultat de 34 000 personnes. Toute personne expérimentée vous répondrait en riant que le 22 mars dernier, nous n'étions bien entendu pas que 34 000 personnes. Une telle foule ne ressemble tout simplement pas à ça. Mais un simple calcul de débit nous permet aussi de remettre en doute un tel résultat. Sur Sherbrooke, en effet, les manifestant-e-s du 22 mars marchaient d'un pas rapide; et ça a duré une heure et demie. Je le sais car je suis resté posté du début à la fin au même endroit, avant de suivre le cortège. Si nous avions été seulement 34 000 personnes, il aurait fallu que le débit ne soit que de 6,25 personnes à la seconde. Ce qui est hautement improbable. À vue de nez, après la manifestation, j'en était plutôt parvenu à un débit moyen de 20 personnes par seconde au minimum, ce qui nous ramène à 108 000 manifestant-e-s. Même si c'est un calcul non-scientifique, je pense que ça vaut autant que le calcul de densité de M. Grenier et de sa firme.

Je le répète: le meilleur moyen d'estimer une foule de manifestant-e-s est de contrôler un point de passage. Avec un compteur à mains. Les journalistes de Radio-Canada n'ont pas besoin d'embaucher une firme pour le faire. Illes auraient pu simplement acheter trois compteurs à 5$ et envoyer des gens sur un coin de rue, un viaduc ou un parvis d'église. Même en admettant que les chiffres d'Altus soient plus fiables, c'est encore du gaspillage d'argent.

Mise à jour: des espèces d'imbéciles de Quebecor parlent de 5000 personnes. C'est carrément de la désinformation.

Photo de la manifestation du 22 août (?). Par Laurie Lee.

vendredi 17 août 2012

lundi 13 août 2012

Vous resterez à la remorque des partis.

Quoi que vous demandiez, quoi que vous fassiez, tant que vous compterez sur le système parlementaire, vous ne serez jamais libres. Vous resterez pendu-e-s aux lèvres des politicien-n-es, à essayer d'interpréter la moindre syllabe et la moindre phrase ou promesse creuse.

Illes regarderont les sondages et décideront de la date des élections. Illes choisiront les juges qui pourront éventuellement mieux servir leurs intérêts. Illes accorderont des subsides à leurs propres tueurs/euses à gages. Illes vous mentiront. Illes vous décevront. Vous le savez déjà.

Attendre patiemment le résultat des élections en espérant que tout change par magie après votre passage aux urnes, c'est tendre en souriant le cul vers vos agresseurs.

Et ne comptez pas sur moi pour faire un choix "stratégique". Le suicide n'est pas stratégique quand on veut vivre. Et contrairement à vous, je n'ai pas envie du tout de vous imposer un choix absurde et l'idéologie d'une corporation électorale.

Et c'est ce que le parti qui recevra votre vote constitue: une bête corporation, une machine à cash (même QS). Et attaché-e-s à cette business par le cou, vous continuerez à bêler contre les gens que vous croyez responsables de votre défaite, sans vous rendre compte que même si votre idole politique gagne, eh bien vous perdez encore. Vous resterez à la remorque des partis, des sujets obéissants, et vous perdrez.

jeudi 2 août 2012

Une victoire libérale entraînera plus de chaos.

Certaines personnes croient voir en Jean Charest le représentant de l'ordre et de la stabilité. Elles sont contentes de voir que « Charest tient son bout » devant les méchant-e-s étudiant-e-s. C'est d'une stupidité rare étant donné que la folie autoritaire du PLQ a plutôt provoqué une perte totale de contrôle. Je me demande d'ailleurs si les gains appréhendés chez les libéraux ne sont pas attribuables en partie aux leaders d'opinion qui matraquent sans cesse que le désordre profite aux libéraux. En répétant sans cesse ce message, ils donnent en quelque sorte la licence aux crétin-e-s pour soutenir Charest. Il y a certains processus dans la psychologie des masses qui sont étranges.

Au début de l'hiver, dans des manifestations regroupant à peine quelques centaines de personnes, on riait des gens qui criaient des slogans anticapitalistes. Hier, ils étaient plusieurs milliers à crier leur opposition au capitalisme, et plus personne ne riait. Les médias de masse, les politicien-ne-s et les autres acteurs/trices du pouvoir semblent ne pas avoir encore compris ce qu'illes ont provoqué avec leurs coupures, leurs mensonges et leur mépris. L'absence de flexibilité a radicalisé la jeunesse. Une bonne partie de cette jeunesse ne fait plus confiance aux institutions « démocratiques » qui l'ont trahie. Elle ne fait plus confiance aux médias qui devaient en principe couvrir les évènements avec neutralité. Elle ne fait plus confiance à la police qui ne la protège pas. Elle ne fait plus confiance aux juges qui la condamnent et qui soutiennent financièrement ce parti criminel et corrompu pour s'acheter une fonction.

La loi 12 (connue sous le nom du projet de loi 78) n'a, elle, fait qu'augmenter la contestation. Chaque nouveau mensonge entraine plus de colère. Souvenez-vous ce qu'une petite blague de Plan Nord a pu provoquer! Et que dire alors du même parti qui s'érige maintenant comme « défenseur unique du droit d'étudier »...

Imaginez ce que provoquerait une victoire libérale aux prochaines élections! Ce serait l'émeute spontanée, et j'y serais pour rien. Souvenez-vous de la victoire de Sarkozy en 2007. Son régime répressif n'a rien pu faire contre. Ceci n'est pas une menace, ni même un avertissement. C'est seulement une information qui doit remettre quelques petites choses en perspectives. Plus de répression = plus de désordre.

Les gens ne se soumettent pas devant un scrutin, qu'ils reconnaissent ou non la légitimité du régime « démocratique ». Et ils font bien! Quand vos droits sont violés, aucune majorité, si puissante - ou silencieuse - soit-elle, ne peut avoir raison sur vous[1]. Et un score de 30-35% aux élections n'est pas du tout un mandat clair d'accomplir n'importe quoi.

Charest entretient une division telle qu'on en a rarement vue au Québec. Eh bien! La division crée plus de chaos. Vous pensez que la police peut régler le problème? Elle va l'aggraver. Les gens ont de moins en moins peur de la police comme force répressive. Défier la loi et confronter la police est devenu anodin. La manifestation d'hier en est la preuve.

Vous voulez que tout ça s'arrête? Eh bien soutenir le PLQ, c'est bien la pire chose que vous pouvez faire pour rétablir la paix sociale. Avec le PLQ, le chaos est garanti.

Mais en ce qui me concerne, je m'en fiche un peu. Un gouvernement péquiste, dirigé par une (ex) châtelaine hyper-riche ne ferait qu'entretenir l'illusion de progrès un peu plus longtemps. Nos vies s'amélioreraient-elle tant? Je n'en suis pas certain.

Alors votez pour qui vous voulez. Nous... eh bien nous allons nous adapter.


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[1] Aux gens qui souligneraient que les étudiant-e-s forcé-e-s d'être en grève contre leur gré voient leurs droits violés, je répondrais deux choses: 
1. peut-être que les étudiant-e-s pro-injonction font au contraire partie d'une majorité silencieuse qui écrase les droits d'une minorité d'étudiant-e-s trop pauvres pour étudier dans les conditions imposées par le gouvernement.
2. Peut-être que la grève vise justement à préserver leurs droits contre les nouvelles règles budgétaires. Entre deux maux, le moindre est toujours le deuxième: celui qui conteste le premier.
Cela dit, leur point de vue reste défendable sur certains points. La possibilité de se dissocier d'un mode d'action me semble être un principe important dans toute société libre.