vendredi 20 juillet 2012

Une troisième voie ? [3]

Dans cette série de billets, nous avons pu constater un bon nombre de choses. Tout d'abord, nous avons vu que la droite conservatrice pouvait partager un vocabulaire et des constats communs avec la gauche socialiste. Est-ce une preuve de collaboration? Absolument pas. L'Église catholique, par exemple, a toujours combattu une gauche radicale qu'elle jugeait dangereuse et mécréante[1]. On pourrait d'ailleurs voir dans leur utilisation du langage ouvrier un signe de la peur de plus en plus vive du communisme. Et il fallait bien en concurrencer le modèle.

À ce propos, j'ai remarqué que près de chez nous, à l'oratoire Saint-Joseph, des murales gigantesques dépeignent l'époux de la Vierge Marie comme le « protecteur des travailleurs ». Une des peintures reprend des thèmes proches du réalisme socialiste. Coïncidence?

Nous avons aussi vu que le corporatisme était un courant bien distinct de celui des idéologies typiques de la gauche. On ne prêche pas, à travers elles, un contrôle ouvrier sur les moyens de production, mais bien une association des travailleurs de différents corps de métier, souvent forcée, et un arbitrage ou un patronage de l'État ou du clergé. Dans aucun cas, les propriétaires capitalistes des entreprises ne perdent vraiment leurs privilèges, même quand l'industrie est mise au service de l'État. Ce corporatisme, contrairement au socialisme, ne provoque pas la disparition des classes sociales. Au contraire, il cristallise l'ordre établi et hiérarchique, organise une collaboration entre les classes.

Nous avons aussi vu que les fascistes, bien qu'ils soient considérés comme étant de gauche par plusieurs individus un peu tordus, ont toujours cherché des alliances en priorité avec la droite. La plupart du temps avec succès.

Nous avons vu que la troisième voie était souvent utilisée par la droite ultraconservatrice ou l'extrême-droite pour se placer sur le spectre politique, entre la déception du communisme et l'injustice capitaliste. Si ce «spectre» existait réellement, voulait décrire les interactions entre ces idéologies et pouvait se résumer par un seul trait de crayon, ce ne serait pas un cercle, ni une ligne droite, mais bien un triangle.

Et finalement, nous avons pu voir que ce n'est pas l'emprunt du discours de gauche qui caractérise le plus les fascismes. Ce sont essentiellement deux choses:
- l'autoritarisme
- l'ultranationalisme
C'est évident. C'est un lieu commun. Tout le monde le sait.

Mais alors, pourquoi personne ne le dit...

La CLASSE là-dedans?

La CLASSE ne partage aucune de ces valeurs. Ses idées témoignent au contraire d'une prudence face au nationalisme québécois (pratiquement jamais de mention à la question nationale dans les textes de l'ASSÉ et de la CLASSE)[2], tout en irritant la presse par son modèle de démocratie décentralisée. Et plus largement, le mouvement de contestation printanier entier en est un de désobéissance, alors que l'extrême-droite fait la promotion de l'ordre, de la discipline et de la hiérarchie.

Pour le reste, il y a une explication simple. Pourquoi l'Église catholique, une partie (l'aile gauche) de l'extrême-droite et la gauche ont-ils partagé une même critique du libéralisme économique? Eh bien simplement parce qu'ils ne sont pas libéraux sur le plan économique. Inversement, l'Église catholique, l'extrême-droite et les libéraux tiennent un discours presque identique sur la question du communisme. Parallèlement, l'Église catholique, les libéraux et les communistes critiquent les fachos à peu près de la même manière.

Faut-il s'en étonner?

Retour à la partie 1
Retour à la partie 2

______________________

[1] Des exemples de collaboration, il y en a quelques-uns, en revanche. Nazis et communistes étaient par exemple en faveur de la grève des transports de Berlin en 1932. Cependant, au lendemain des élections, les Nazis donnèrent l'ordre aux travailleurs de retourner au travail alors même que les syndicats augmentaient leurs moyens de pression. Simone Weil qualifia ce comportement de « démagogie révolutionnaire ». (La Révolution prolétarienne, 8e année, n° 140, 25 novembre 1932.) Les élections de juillet montrent aussi à quel point le parti national-socialiste allemand (NSDAP) était alors dégoûté par la gauche. Des négociations avaient alors apparemment lieu entre Schleicher (haut-gradé et chancelier à partir de décembre) et l'aile gauche des Nazis pour agir « contre tout moyen d'action offensive que les "gauchistes" pourraient prendre après les élections parlementaires du 31 juillet » (Richard Breitman, « On German Social Democracy and General Schleicher 1932-33 ». Central European History, vol 9, no 4, déc. 1976, p. 355). On parle ici d'une action conjointe de militaires et de paramilitaires.

[2] Louis Fournier annonce avec stupeur que la CLASSE ne fait pas la promotion de l'indépendance dans un article du Devoir, qui a choqué l'UCL. Selon Louis Fournier, ce silence sur la question nationale serait relié au fait que des groupuscules anarchistes mystérieux y seraient influents...

14 commentaires:

  1. Misère !!!
    Le problème de la gauche c'est son athéisme et étant athée ses politiques sociales ne deviennent que des solutions matérialistes.
    Et l'Église étant anti-matérialiste, elle leur fait la guerre, tout simplement.

    Ensuite, la défense de la propriété privé c'est faite que pour empêcher l'expropriation forcé par l'État car il n'y a pas plus communiste qu'un monastère. Mise en commun des biens et des moyens de production.

    RépondreSupprimer
  2. Il y a beaucoup d'autres points de désaccord entre la gauche (disons commune) et l'Église catholique. La question de l'ordre traditionnel, entre autres. La place de la femme, la position sur l'homosexualité, l'avortement, la prostitution, etc.

    En ce qui concerne les monastères, notons qu'ils conservent tout de même une hiérarchie très claire et un code comportemental très strict. Que le monastère emploie aussi des fermiers/ères, métayers/ères et autres travailleurs/euses "familiers" plus ou moins libres pendant tout le Moyen Âge qui n'ont pas un seul mot à dire sur la gouvernance. Il n'y a pas plus de points en commun entre le communisme et le monastère qu'entre la "démocratie" athénienne et notre système parlementaire.

    Rien n'est parfaitement simple.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'Église Catholique n'a jamais prétendu être de gauche, ni même de droite et la démocratie n'est pas le propre de l'un, ni de l'autre.

      L'Église Catholique n'est pas démocrate, car elle considère que le choix de Dieu comme étant majoritaire vis-à-vis l'Église Militante d'en bas.

      Même si vous aviez un consensus sur terre sur la gouvernance, le paradis contiendrait encore plus de voie au suffrage. Le consensus est établi entre les élus du Ciel et leurs voies est majoritaire dans les orientations de l'Église. Le peuple d'en bas doit apprendre à s'y conformer. Présentement, c'est la minorité d'en bas qui décide contre l'assentiment de la majorité consensuelle d'en haut c'est pour cette raison que tout va mal. On se croit plus éclairé que les habitants du Paradis qui sont plus nombreux que nous pouvons l'être sur terre.

      Je le répète encore, le problème de la gauche c'est son athéisme.

      Supprimer
  3. Je ne vois pas en quoi c'est un problème, même après votre démonstration.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Le problème des démocrates d'aujourd'hui c'est qu'il refuse le droit de vote de la majorité qui est au ciel et le successeur de Pierre n'est que leur représentant sur terre.

      Supprimer
    2. Le problème des démocrates d'aujourd'hui est donc qu'ils ne croient pas la même chose que vous! Au moins, on le saura pour la prochaine fois.

      On ne peut pas considérer une forme d'organisation religieuse comme ultimement vraie et universelle sans l'imposer à ceux qui n'y croient pas. Et l'imposition d'une forme d'organisation, qu'elle soit basée sur la religion ou sur quoi que ce soit d'autre, est un phénomène politique physique, terrestre, bien précis, qu'aucune justification religieuse ne changera réellement.

      De toute façon, moi j'aimerais bien que le Paradis soit autogéré, mais ça, c'est de leurs affaires. De la même façon, quand même le Paradis voudrait bien que je sois théocrate, ça reste de mes affaires!

      Supprimer
    3. Nul besoin d'imposer une organisation à ceux qui n'y croient pas sans être démocrate. C'est justement les démocrates qui imposent leur organisation. Lorsqu'on est pas d'accord avec une organisation, on s'en sépare pour en fondé une autre en parallèle, on n'attend pas le prochain scrutin pour imposer à notre tour par voie électoral notre point de vue.

      C'est justement pour cette raison que je ne vote plus, car je ne veux pas imposer mes idées par voie électoral à des personnes comme vous.

      Tant aussi longtemps qu'il n'y aura pas de consensus, les démocrate seront toujours des petits dictateur en puissance.

      Supprimer
    4. C'est la tyrannie de la plus grosse minorité, ou de la majorité.

      Supprimer
    5. Vous ne voulez pas comprendre.

      Le gouvernement à laquelle adhère une personne ne devrait gouverner que ceux qui y adhère. On ne vote plus en faveur d'un parti contre un autre, on choisi un gouvernement à notre goût sans l'imposer aux autres.

      Le démocrate fait tout le contraire, il impose toujours ses idées à ceux qui ne partage pas les mêmes idées que lui. L'Assemblée Nationale ne devrait pas avoir le monopole de la gouvernance. Si un quartier gauchiste ou droitiste refuse d'être gouverné par ce gouvernement, il devrait avoir la possibilité de s'en ériger un autre en parallèle.

      En démocratie, il n'y a pas de libre concurrence des idées, c'est toujours la force du nombre qui prime sur la valeur de l'idée défendu et comme la qualité est une denrée rare, elle ne s'exprime jamais. La médiocrité étant plus populaire, cette dernière s'impose.

      Supprimer
    6. Qui n'a pas compris? Moi? Mon message visait justement à dénoncer le parlementarisme d'État-nation. Votre position est l'adhésion volontaire: je comprends tout à fait, c'est clair comme de l'eau de roche.

      Supprimer
    7. Le concept d'État nation n'est pas mauvais en soi, le problème c'est qu'on ne devrait pas définir la nation en fonction du sol et du sang.

      La nation doit-être défini en fonction des croyances, des mentalités et surtout en fonction de l'idéologie que véhicule les membre de cette nation.

      Ce qui fait défaut actuellement c'est l'idée qu'on peut former une nation avec des personnes qui diverge sur le plan idéologique. L'unité nationale d'une nation est importante, mais elle doit reposer sur un dénominateur commun idéologique.

      La nation ne doit pas seulement être un concept abstrait à caractère culturel. L'anarchiste par exemple ne partage pas la même culture, la même mentalité, les mêmes croyances que le néo-conservateur, donc il faut les séparer politiquement des néo-conservateur, car ils n'appartiennent pas à la même nation. Leur destin ne s'oriente pas dans la même direction.

      Comme vous par exemple en lisant vos opinions, vos idées, on peut difficilement croire que vous appartenez à la même nation qu'un Jean Charest ou d'un François Legault et cela même si vous vivez comme eux sur le territoire du Québec. Les gauchistes minimalement devrait déclarer leur indépendance vis-à-vis des droitistes.

      Supprimer
    8. L'erreur de Québec Solidaire est de prétendre convertir à leurs idées une population suffisamment grande pour acquérir une majorité à l'Assemblée Nationale. Un royaume ou un pays doit se construire en même temps que son évangélisation. Québec Solidaire devrait plutôt s'ériger un petit gouvernement parallèle autonome et indépendant avec les adhérents qu'ils ont déjà plutôt que d'attendre la conversion d'une majorité.

      Supprimer
    9. Le problème, c'est que tout le monde paie déjà des impôts au même État, et leur vie est réglementée de force par ce même État. Il ne peut y avoir plusieurs États qui se font compétition à l'heure actuelle. L'État dominant ne le permettrait pas. Et QS n'est pas une corporation de services, comme le sont certains groupes politiques. Je pense par exemple au Hezbollah, qui a des hôpitaux, écoles, chaînes de TV, etc.

      Par ailleurs, comme vous pouvez le deviner, je suis complètement opposé à ce genre de modèle. Je ne veux pas avoir le choix entre plusieurs gouvernements/États, mais faire chacun de mes choix moi-même et n'être gouverné par personne. Dans ce cadre et si une bonne partie de la population aspirait à la même chose, il faudrait que chaque institution (hôpital, école, bureau de poste, etc.) soit totalement indépendante, et n'appartienne pas à un groupe particulier, que ce soit une mutuelle ou une organisation tentaculaire, ou même une fédération dont les liens seraient trop étroits.

      Supprimer
    10. Je ne pense pas non plus que l'unité idéologique soit essentielle. Des affinités suffisent la plupart du temps.

      Supprimer