samedi 6 novembre 2010

L'identité j'men crisse.

Je considère sincèrement que de ressentir le besoin immense de s'identifier à une Nation quelconque naît d'une incapacité à se contenter d'être identifié comme simplement un individu à part entière. Le nationalisme fanatique peut-il donc avoir un lien avec l'absence de satisfaction sur le plan de la vie personnelle? Même s'il est difficile, a priori, d'établir un lien entre profil psychologique et idéologie, c'est possible qu'une telle relation existe. D'ailleurs, j'ai entendu souvent des nationalistes prétendre que si le taux de suicide était si élevé au Québec, c'était surtout parce que les jeunes Québécois se sentaient inconsciemment spoliés par le fédéralisme dans leur quête d'identité. C'est une théorie irrationnelle, malhonnête et stupide, mais séduisante - assez pour que j'y crois pendant une partie de ma jeunesse naïve.

Mais il faut croire que cet état de fait s'applique aux gens qui défendent cette idée. Si l'idée de l'indépendance ou de l'autonomie ou d'un Québec blanc et francophone d'un Océan à l'autre ou whatever disparaissait, sans doute que les nationalistes n'auraient plus de raison de vivre.

Le plus important dans la pensée nationaliste, c'est qu'elle est indépendante des conditions de vie matérielles. Falardeau disait toujours qu'il fallait attendre d'être un pays pour décider de bâtir une société de gauche ou de droite. Au XIXe siècle, les gens ont suivi Papineau sans prendre en considération que c'était un esclavagiste[1], un machiste et un hostie d'autoritaire. Encore aujourd'hui, cette facette de sa personnalité est complètement gommée.

À quel sacrifice permanent sont prêt-e-s les nationalistes pour que leur projet voit le jour? Faudra-t-il par exemple sacrifier une partie de nos libertés individuelles pour servir les libertés collectives? En parlant de concept minable, en voilà tout un. Quand j'étais péquiste, jamais je n'ai été capable de défendre la pertinence des libertés collectives qui consistent, en bref, à écraser les petit-e-s pour permettre aux grand-e-s d'occuper tout l'espace.

La liberté, ce n'est pas la force des identitaires. Il a fallu, par exemple, que les flics soient racistes lors du G20 pour que les nationalistes condamnent la répression torontoise. Avant ça, c'était le silence radio, ou presque. Quant à la solidarité face aux peuples opprimés, elle est foutrement limitée. Les nationalistes solidaires critiquent la domination chinoise sur le Tibet, mais pas la théocratie bouddhiste[2]. Illes critiquent Israël, mais pas la domination ultraconservatrice de l'Islam sur le peuple palestinien. Bref, illes ne sont pas opposé-e-s à la dictature, mais seulement à la dictature d'un-e étranger/ère sur le peuple local.

Notons aussi que lors de la dernière conférence du PQ à laquelle je suis allé (à l'hiver 2006, je crois, à la demande spéciale d'un ami de Victo), je me suis fait huer pour avoir posé la question suivante à Louis Bernard: "Si nous souhaitons voir reconnu le droit à tout peuple d'accéder à l'indépendance, reconnaissons-nous ce droit aux nations autochtones?" J'ai pensé que, contrairement à mon intuition, il aurait pu s'agir d'une réaction isolée, mais on m'a avisé l'autre jour que mon intuition est fondée. Les nationaleux ne veulent pas qu'on touche à l'intégrité territoriale du Québec, telle que décrite par l'ONU. Toute parcelle de l'Empire québécois doit rester inaliénable, même dans les régions jamais habitées par un seul christie de Tremblay.

Il y a aussi cette impression ridicule qu'ont les identitaires de faire partie d'un groupe non pas basé sur des affinités, mais bien sur une appartenance fictive. Ne croyez pas que je nie l'existence des peuples: c'est évident que sociologiquement et culturellement, il existe des groupes distincts. Cependant, les Nations sont bel et bien des entités basées sur l'imaginaire, de même que le Contrat Social que personne n'a jamais signé et qui nous lie prétendument aux structures de domination actuelles.

D'ailleurs, qu'on ne vienne pas prétendre que je fais partie du même large groupe que François Legault et/ou Guy A. Lepage, du monde avec qui je ne partage rien et que j'ai rencontré genre une fois dans ma vie. Ces gens-là ne seraient jamais mes ami-e-s, j'habiterais jamais avec eux; comme la plupart du monde, je choisis mes fréquentations selon les affinités sur le plan personnel, et non pas selon mon niveau de fierté nationale.

Ce qui concerne les Québécois-es concerne aussi les autres peuples. Les règles discriminatoires des réserves mohawks sur le plan marital sont tout aussi nauséabondes que les idées du MLNQ. Et puis j'ai été ulcéré d'entendre, pendant un cours de langue, une jeune musulmane se vanter qu'elle ne fréquentait que des arabes[3].

Cette fixation sur le leader m'écoeure aussi: et c'est la pierre angulaire de l'identité nationale. Les nationalistes aiment leur chef: illes en ont besoin pour garder confiance, conservant toujours dans leurs effets personnels quelque icône de leur maître-sse bien-aimé-e. Quand le/la chef-fe ne fait pas l'affaire, c'est la débandade et l'anxiété. Ce phénomène de servilité fait que des gens pourtant allumés comme Julie Legault vont déclarer sur les ondes de Radio-Canada qu'il nous faudrait un "nouveau René Lévesque". Maudit que je déteste ce type, surtout depuis qu'il est mort.

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[1] Et ne venez pas bullshitter en employant l'argument que "Papineau était un homme de son temps". Son propre père était antiesclavagiste et quelques femmes (propriétaires) avaient encore à l'époque le droit de voter. Papineau était incontestablement un retardé.
Et si tous les "hommes de son temps" étaient des retardés, eh bien je ne vois pas pourquoi on leur rendrait un culte.
[2]"Using one's hand, that is sexual misconduct.'' (le Dalai Lama)
[3] Nb: la jeune femme en question a plus de 20 ans et elle a un accent arabe. Pourtant, elle est inscrite au cours d'Arabe I, et je l'ai clairement entendue prononcer assalam Aalaèkoum en détachant toutes les syllabes, ce qui suggère que malgré sa fierté passé date, elle n'a jamais été capable d'apprendre seulement le mot "bonjour" dans la langue de ses ancêtres.

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