vendredi 2 juillet 2010

L'amour de la prison.

Les gens croient que les opérations policières de répression à Toronto furent largement justifiées par la casse (66% au Canada et 71% au Québec), malgré la découverte des nombreux mensonges et étonnantes irrégularités dans le discours du chef Blair et de ses idiot-e-s de disciples. Par exemple, plusieurs armes ont été faussement attribuées à des activistes et présentées à des journalistes.

Une démonstration mathématique simple suffirait pourtant à prouver que les nombreux moutons blancs ont parfaitement tort dans leur soutien ridicule aux arrestations massives.

Nombre de casseurs et casseuses = environ 60.
Nombre de personnes arrêtées = 900

900 > 60.

Je suis normalement assez indulgent envers les gens aux idées irraisonnées, mais comme je me suis fait casser mes lunettes, battre, voler et emprisonner simplement parce que je marchais sur le trottoir LE LENDEMAIN d'une manifestation et à 3 km de la fameuse barrière, je vais vous dire, vous êtes des imbéciles. Ou des fascistes qui mériteraient mieux que moi de pourrir en prison pour leurs idées.

L'appui féroce des Québécois-es à cette répression est d'autant plus étrange que la police de Toronto, vraiment raciste, a ciblé tout particulièrement les francophones, fouillant toute voiture portant une plaque du Québec, harcelant des touristes pacifiques de Longueuil ou de Saint-Jérôme, et retenant intentionnellement en cellule les gens qui portaient un nom à consonance québécoise. Pendant toute la fin de semaine, c'était la peur du foreigner qui s'était incrustée dans la tête des réac' de Toronto; et ce foreigner parlait français.

J'espère de tout mon coeur que ce sondage Angus-Reid était aussi poche que les précédents et qu'il ne reflète en rien la véritable opinion générale du peuple. Car si une majorité croit dur comme fer que la suppression des droits humains pour le bénéfice d'un meeting de quelques bourgeois-es vaut vraiment la peine, après tout ce que les bourgeois-es des banques nous ont fait subir, je trouve que c'est triste.

***

Il faut selon moi, pour passer à travers l'épreuve d'une incarcération injustifiée, être un-e philosophe aguerri-e. Il faut, du moins, être capable de réfléchir sur sa condition et/ou savoir se raconter des mensonges. Pendant mes 22 heures de prison, je me répétais que pour la première fois, j'étais conscient de mon emprisonnement perpétuel. Pour la première fois, je voyais les barreaux de la cellule qui dort généralement à l'intérieur de mon crâne. Je me répétais aussi, en voyant les agent-e-s de police aux traits tirés et au regard vide d'intelligence, que j'étais du bon côté des barreaux et que c'était eux qui étaient enfermé-e-s avec nous.

Et puis, il faut relativiser. Ce qui s'est passé à l'intérieur était vraiment terrible; je ne souhaite cette expérience à personne, surtout en ce qui concerne les sévices à caractère sexuel que certain-e-s de nos camarades ont subis. Mais c'était sans aucun doute moins pire que la dernière heure d'un tour de nuit au Macdo avec un cadre aussi puissant que pervers.

La prison n'est pas non plus une maladie incurable.

Hier matin, en faisant mon déménagement, je me suis cogné l'orteil sur le coin de la table et le coup fut si violent que l'ongle a partiellement décollé. Eh bien ce fut plus douloureux que la fois où l'agent de police m'a envoyé la tête contre un mur de béton parce que je refusais de me la fermer. L'humiliation de la vie quotidienne est également plus lourde, à mon sens, que celle que j'ai subie quand l'agent McArthur m'a demandé de me pencher de dos et de toucher à mes pieds.

La bouffe du Métro est aussi dégueulasse que les sandwiches à rien qu'ils nous ont donnés là-bas. Le Pepsi est aussi dégueulasse que l'eau brune de la prison.

Tout le monde est en prison et assez peu veulent en sortir.

6 commentaires:

  1. Merde je n'avais même pas encore réalisé que tu avais été incarcéré à Toronto! Je croyais que tu avais simplement relaté ce que d'autres avaient vécu. Je me suis déjà fait arrêté par le passé (à l'UQAM en 2005), mais ce n'est pas comparable. Ils avaient pris nos photos (je crois, mais je ne suis même plus certain pour ce qui est des photos) et empreintes à même l'université, donc nous ne sommes même pas allez au poste.

    De ce que j'ai lu c'était vraiment un climat de terreur et je ne vois pas comment appeller ça d'autre que du terrorisme d'État. Ils ont battu sévèrement et agressé sexuellement (et psychologiquement) des femmes sans défense (entre autre chose), en plus de détenir les gens dans des conditions pitoyables puis en bafouant tous leurs droits.

    C'est vrai que nous sommes dans une prison à ciel ouvert, mais ça n'excuse en rien ce qu'ils ont fait.

    Désolé d'apprendre que tu n'a pu éviter ces porcs, comme je le croyais. Pas que je ne suis pas aussi solidaire du reste des gens, mais bon, tu sais ce que je veux dire.

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  2. Je voudrais en dire davantage mais j'en ai déjà dit trop. Je vais t'avouer, il y a peu de gens qui osent témoigner en ce moment. A priori, les charges qui pesaient contre moi ont été abandonnées, mais je suis fiché jusqu'aux oreilles, et je sais très bien que ce qu'ils ont fait une fois, ils peuvent le recommencer. Au départ, je paniquais tellement que je pensais même abandonner mon blogue.

    Les organismes et les avocat-e-s nous ont conseillé de ne pas témoigner. Rien dire, surtout. Si tu veux avoir des infos, il va falloir que tu viennes prendre le thé chez moi. Je pense pas qu'ils auraient pris la décision conne de mettre des micros dans toutes les maisons de 900 personnes... Par contre, Google, c'est tellement utile quand on veut se faire une idée sur quelqu'un.

    Je sais au moins qu'ils ne peuvent rien retenir contre moi. Je n'ai pas violé les lois et ce qu'ils ont considéré être un déguisement "dans le but de commettre un crime" était un bandage triangulaire...

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  3. Les charges sont tombées contre toi ?

    Tu peux parler.

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  4. Je pense que les charges sont tombées, oui. Mais on ne m'a rien dit quand je suis sorti. Mais comme je n'ai pas comparu, il me semble que ça devrait être ok. En tout cas, je vais y penser encore un peu. De toute façon, il faut que je prenne du recul.

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  5. Excellent billet!

    N'est-ce pas la preuve que la police est allé trop loin?


    Attention, l'appui aux policiers risque tout de même de diminuer avec le temps et les bavures révélées.

    N'abandonne jamais ton blogue pour une telle raison!

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  6. Merci pour ton soutien, David. J'espère bien que l'appui va diminuer avec les témoignages, vidéos sur Youtube, etc.

    Mais je crains le moment où l'opinion nous sera intuitivement favorable. Ce sera certainement un signe non pas que les citoyen-ne-s ont acquis un sens critique, mais bien que notre vie quotidienne sera affectée dans sa totalité par l'État policier.

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