samedi 22 août 2009

De la misère des animaux.

Il y a eu mon chat qui est mort avant que je puisse revenir de Montréal, il y a trois ans. Malade et paralysé des jambes arrières. Il a souffert pendant deux jours avant de se laisser aller. Je me suis consolé vite: il a eu une belle vie. Mon subconscient n'était pas consolé, lui. Des fois, il m'arrive encore de rêver à lui. Je le vois surgir d'entre les morts, le crâne ouvert et les orbites vidés. Je pense que j'aurais voulu pouvoir revenir à temps pour lui donner mon ok. Peut-être c'était ça qu'il attendait. En fait il devait s'en câlisser tellement il avait trop mal, mais en tout cas j'aurais trouvé la paix plus rapidement.

Il y a eu l'oie de notre étang, qui n'avait pas pu défendre le canard domestique qu'elle avait adopté et qu'elle protégeait comme sa propre progéniture. Quand j'ai retrouvé le canard, le cou rongé par un renard et courbé dans une position impossible[1], l'oie était silencieuse. J'ai attrapé le cadavre avec une perche et je l'ai mis dans un sac de plastique avant que mon père l'enterre. Je me souviens très bien, l'oie gossait sur le sac pour faire sortir son compagnon.

Après, elle est devenue agressive et a fini par s'enfermer dans sa solitude, attaquant mon chien (immense mais effrayé) de temps en temps quand elle s'emmerdait.

L'oie, après avoir perdu son ami de toujours, a pris l'habitude de chasser tous les oiseaux qui avaient la mauvaise idée de s'approcher de l'étang... sauf les canards de passage. J'aurais aimé pouvoir la voir s'envoler avec eux et plus jamais revenir patauger au milieu de la gadoue dans laquelle elle était obligée de passer l'hiver.

Il y a le chien qui, depuis qu'il est passé en-dessous d'un char (son âge avancé lui a érodé les réflexes), boîte en souffrant le martyr.

Il y a finalement tous les animaux que j'ai trucidés avec mon père dans notre petite fermette campagnarde. À chaque fois que je voyais le couteau glisser sur le pelage des volailles, je sentais aussi la lame sur la peau de mon cou. Quand je regardais ensuite la tête ensanglantée dans le seau, quand je voyais les yeux hagards des têtes d'oies, de canards, de dindes ou de poulets s'éteindre dans la résignation, une terrible sensation s'emparait de moi; j'en ai encore des vertiges.

La première fois que j'ai vu un animal mourir, je devais pas avoir plus de sept ans. C'était à l'abattoir de Princeville ou de Warwick, je me souviens plus trop et de toute façon ça a fermé. Mon père m'avait raconté que son père (du reste pas si vieux que ça) assommait les vaches d'un grand coup de masse avant de leur trancher la gorge et de les couper en rondelles. La vache que j'avais devant moi ce jour-là était parfaitement consciente, et attachée avec des chaînes par les quatres pattes à un immense treuil qui l'avait montée à quatre pieds au-dessus du sol. Quelques secondes après qu'on lui ait sommairement ouvert la gorge, il lui manquait déjà une cuisse et son flanc droit en entier. Elle meuglait toujours. Ce cri ne s'éteignit que beaucoup plus tard, dans des borborygmes douloureux.

Je trouve donc que les gens qui s'attaquent à la chasse aux phoques ont crissement pas le sens des priorités. C'est pas parce que les phoques saignent dans la neige et qu'ils sont cutes qu'ils souffrent plus que les autres animaux. Les phoques ont encore le loisir de vivre libres. Tant qu'ils vivent. Si vous aimez les animaux, soyez conséquent-e-s et ne contribuez pas à leur élevage.

On dit souvent que les gens entassés dans leurs logements pourris ou dans le métro ressemblent à des porcs alignés devant le comptoir de l'égorgeoir. Mais c'est l'inverse. Ce sont les cochons et les poulets, logés nourris et bourrés de médicaments, qui deviennent tout en engraissant le miroir de l'humanité.

Et il n'y a rien qui souffre autant que des animaux auxquels on a mis un collier ou un numéro de série. Il n'y a rien de vivant qui souffre autant qu'un être forcé de partager la misérable condition d'asservissement des êtres humains.
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[1] Je vous jure que depuis ce jour-là je ne dis plus "ça sent le petit canard à la patte cassée".

2 commentaires:

  1. La plupart des gens se foutent du sort des animaux. Et comme tu le dis avec l'exemple des phoques, quand ils le sont, ils sont sélectifs (bien souvent).

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  2. J'ajouterais que certains des gens qui ne se foutent pas du sort des animaux - en l'occurrence, ceux qui organisent leur élevage intensif - sont encore pire que ceux qui s'en foutent.

    Idem pour les gens qui nous bourrent de pilules, de tv, d'école. Ils s'intéressent à nous parce que fonctionnels, on est davantage productifs. La meilleure chose qui pourrait nous arriver, ce serait que ces gens se désintéressent de nous (ou qu'on les mange).

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